Bakary Sambe -l'Afrique au Sommet du G7 : "Le Sahel attend plus d'écoute et d'action, pas des discours" (Le Point) Spécial

Journée noire pour le Burkina Faso. Lundi 19 août, une attaque « menée par des groupes armés terroristes » contre la caserne de Koutougou a fait vingt-quatre morts, sept blessés et cinq disparus, selon l'état-major général des armées. Cette « attaque d'envergure » est la plus meurtrière qu'ait connue le pays depuis 2016 et touche toute la région du Sahel. Une situation qui sera cette année au programme des discussions du G7, à Biarritz. Roch Kaboré, président du Burkina Faso, le Sénégalais Macky Sall, le chef d'État égyptien Abdel Fattah al-Sissi, mais aussi le président rwandais Paul Kagamé participeront aux réunions programmées du 24 au 26 août. Le dirigeant sud-africain Cyril Ramaphosa fait également le déplacement, en tant que partenaire engagé dans la protection de la planète et la transformation numérique.

 

Une première, dont l'objectif est de « rehausser l'engagement international au Sahel, peut-on lire sur le site de l'Élysée. Celui-ci visera au renforcement de l'appui aux forces de sécurité des États de la région et se doublera d'une mobilisation pour le développement, dans le cadre de l'Alliance Sahel que l'ensemble des dirigeants du G7 seront invités à rejoindre ». Voulue par Emmanuel Macron, la participation des acteurs africains est donc cette année une réalité. Coup de com diplomatique ou véritable engagement ? Bakary Sambe, directeur de Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies et coordonnateur de l'Observatoire des radicalismes et conflits religieux en Afriquerépond au Point Afrique.

Bakary Sambe : L'objectif principal est surtout de renforcer la solidarité entre les nations du Sud comme de l'Occident face aux grands défis mondiaux comme le terrorisme. Aujourd'hui, on est aussi vulnérable à Tombouctou et à Ouagadougou qu'à Paris ou à New York. La situation sécuritaire au Sahel concerne aussi bien l'Afrique que l'Europe. C'est pour cela que l'organisation du G5 Sahel a été autant soutenue à l'international.

Justement, les ambitions du G5 Sahel se sont-elles concrétisées ? L'organisation est-elle efficace ?

La démarche, à l'origine, était plutôt bonne. Le problème, c'est qu'on n'y met pas assez de moyens. Il y a une différence considérable entre ce qui se passe sur le terrain et les promesses faites lors des réunions. Aujourd'hui, alors que les groupes terroristes sont en train de se coordonner, de s'organiser, la communauté internationale ne fait que se disperser un peu plus.

Cette situation donne l'impression d'une grande compétition entre les puissances militaires que sont la France, l'Allemagne – qui s'affirme de plus en plus –, la Chine et la Russie, entre autres. Et renvoie une image très négative aux populations sur place qui subissent les mesures draconiennes imposées par les autorités, tout en se sentant de moins en moins en sécurité. Le Sahel est un malade autour duquel il y a beaucoup de médecins. Mais personne n'est d'accord sur le diagnostic.

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Au total, plus de 420 millions d'euros ont pourtant été promis...

Vous l'avez dit, il a été « promis ». Mais une grande part de cet argent n'a toujours pas été reçue par le G5 Sahel. Le décaissement n'a pas suivi.

La présence des chefs d'État africains à Biarritz peut-elle déboucher sur des solutions concrètes, ou est-ce simplement une démonstration diplomatique ?

Il est clair que ce genre d'événements permet à la France de soigner sa diplomatie. Mais je pense qu'on peut espérer plus. La participation de l'Afrique au G7 est une bonne chose si l'on va au-delà du décor. Cela tranche, certes, avec la vision d'un grand bal des puissants, de l'entre-riches. Mais la démarche ne sera inclusive que si on réussit à donner corps à cet esprit d'ouverture. Le Sahel attend plus d'actions, pas des discours. J'espère que les voix de ces chefs d'État seront audibles dans le brouhaha de cette grand-messe feutrée.