A la une

A la une (64)

Source : Météo Sahel Timbuktu Institute

Plusieurs éléments marquent l’actualité internationale au Togo en ce début d’année. C’est d’abord une instruction contre le milliardaire français Vincent Bolloré, menée par la justice française pour, dit la justice, acquisition frauduleuse de la gestion du port de Lomé. Cette offensive de la justice française traduit une reconfiguration des enjeux commerciaux dans cette partie du golfe de Guinée. Sur un plan différent, mais qui concerne aussi la présence de puissances occidentales dans la région, on note la visite, au Ghana voisin, de la vice-présidente américaine Kamala Harris – dans le cadre d’une tournée continentale plus vaste, incluant la Tanzanie et la Zambie.

À cette occasion, Harris a promis une enveloppe budgétaire de 100 millions de dollars pour le Ghana, le Bénin, la Côte d'Ivoire et le Togo dans leur lutte contre le terrorisme. Cette aide financière est à mettre en lien avec la coopération militaire et notamment l’exercice militaire annuel américain ‘Flintlock’ qui s’est achevé à la mi-mars à Abidjan et qui a regroupé une quinzaine de pays dont le Togo.

Au niveau régional, la recrudescence d’attaques terroristes à la frontière nord du Togo côté burkinabé mais aussi côté ghanéen, fait craindre une extension du terrorisme islamiste venu du Sahel. Sur le plan national, alors que les élections législatives doivent se tenir avant la fin de l’année, et la présidentielle en 2025, plusieurs meetings ont commencé à avoir lieu. Cela notamment a pu être l’occasion pour Jean-Pierre Fabre et l’Alliance nationale pour le changement (ANC) d’évoquer la gestion des fonds Covid-19. Alors que près de 165 millions d’euros ont été octroyés par les partenaires extérieurs, des irrégularités ont été constatées.

Enfin, la situation de la liberté de la presse demeure un sujet de préoccupation, deux journalistes ayant été lourdement condamnés, notamment pour outrage à l’autorité. A l’instar de nombreux pays de la région, le Togo s’inscrit aussi dans le processus de diversification de ses partenariats avec les grandes puissances notamment par une certaine activité diplomatique symbolisée par le Ministre des affaires étrangères Robert Dussey qui multiplie les visites de travail dans les grandes capitales. Dans ce même esprit, le Togo a rejoint le Commonwealth et entretient d’étroites relations avec Israël mais également avec la Chine.

Source : Météo Sahel Timbuktu Institute 

Depuis l’attentat de Grand-Bassam en 2016, l’attaque de Kafolo en juin 2020 puis en mars 2021, le gouvernement ivoirien a multiplié les stratégies de sécurisation pour faire face à la menace djihadiste qui s’étend désormais dans les pays du Golfe de Guinée. Début mars, l’armée ivoirienne a bénéficié d’une formation de deux semaines à travers des exercices militaires annuels « Flintlock », visant à renforcer les capacités opérationnelles des armées africaines dans la lutte antidjihadiste, Ce programme est organisé depuis 2005 par le Commandement des Etats-Unis pour l’Afrique (Africom). « Flintlock » se concentre notamment sur l’entraînement de troupes alliées, notamment au Sahel miné par les violences djihadistes depuis plus de dix ans.

Dans le cadre de la réconciliation nationale engagée par Alassane Ouattara, une cinquantaine de corps de victimes de la crise post-électorale ivoirienne de 2010-2011 ont été restitués à leurs proches le 8 mars 2023. Ce geste d’apaisement est l’une des initiatives prises par le président ivoirien, tout comme l’amnistie de centaines personnes impliquées dans la crise, le dédommagement des victimes de la crise, la facilitation du retour de Laurent Gbagbo, après son acquittement par la Cour pénale internationale. Mais cette réconciliation tarde à se concrétiser. Le camp de l’ancien président Gbagbo parle de paradoxe en accusant le régime de Ouattara de poursuivre certains de ses membres en justice tout en appelant au dialogue national. Quant aux familles des victimes, elles réclament toujours la vérité et la justice pour faire la lumière sur les 3000 morts de la crise politico-militaire de 2010.

 

Source : Météo Sahel – avril 2023

Sur le plan des relations internationales, la situation en Mauritanie a été marquée par la visite du ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, dans le cadre d’une tournée régionale au Sahel incluant aussi le Mali et le Soudan. Alors que la Mauritanie avait participé au vote condamnant l’invasion russe de l’Ukraine, il s’agissait pour Lavrov de procéder à une opération de reconquête, ce qu’il a fait en proposant notamment l’aide de la Russie contre les groupes terroristes dans la région. 

Si ceux-ci prospèrent moins en Mauritanie que dans d’autres pays voisins, notons tout de même l’évasion spectaculaire de 4 djihadistes de la prison de Nouakchott début mars. Leur traque a tenu le pays en haleine pendant près d’une semaine et lors de leur capture trois des quatre djihadistes ont été tués. Trois membres des forces de l’ordre ont également perdu la vie, causant une vive émotion dans le pays. 

La principale figure de ces terroristes est Saleck Ould Cheikh Mohamedou, condamné à mort en 2011 pour tentative d’assassinat contre le président Mohamed Ould Abdel Aziz (2009-2019). Celui-ci, par ailleurs, et c’est l’autre fait marquant de ce début d’année 2023, est poursuivi par la justice pour enrichissement illégal, des faits qu’il nie alors qu’il dénonce un complot pour l’écarter du jeu politique. Ouvert fin janvier, les avocats de Mohamed Ould Abdel Aziz, qui comparaient avec 10 co-accusés, ont jusqu’alors argué que la Cour n’était pas compétente, et c’est maintenant la Cour constitutionnelle qui doit examiner cette requête. Enfin, après une dissolution du Parlement réclamée par la plupart des partis, le gouvernement a fixé de nouvelles élections législatives au 13 mai. 

À cette occasion, où le parti du président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani, le Parti de l’équité (issu d’une fusion dont la base principale était l’Union pour la République, le parti fondé par Mohamed Ould Abdel Aziz), le nombre de députés devrait passer de 157 à 176. Le Parti de l’équité apparaît grand favori de ces élections.

Dans le cadre de sa veille politico-sécuritaire sur les pays du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest, Timbuktu Institute vous propose cette publication mensuelle intitulée « Météo du Sahel et de l’Afrique de l’Ouest ». Le présent numéro couvre huit pays de l’espace sahélien et ouest-africain sur la période du premier trimestre 2023 : Mauritanie, Côte d'Ivoire, Togo, Mali, Niger, Bénin, Sénégal, Tchad, Burkina Faso et Guinée-Bissau. Ce nouveau bulletin revient après quelques mois d’interruption technique. 

Actuellement, la situation est généralement, préoccupante dans les pays du Sahel où la sécurité et la démocratie sont de plus en plus menacées; une des causes principales étant l’incertitude qui règne quant au retour à des régimes civils dans les pays dirigés par la junte militaire. On note aussi la dégradation du climat politique dans d’autres pays et plusieurs affaires impliquant des menaces sur la liberté de la presse. Cette lettre propose donc à la fois de suivre certaines tendances politiques et sociales de fond, comme de couvrir l’actualité la plus immédiate.

Téléchargez la "Météo du Sahel et de l'Afrique de l'Ouest"

 

(Download Full Report at the bottom of the text)

The year 2022 was characterised by the accelerated deterioration of the socio-political and security context in Mali. In addition to tensions with France, ECOWAS, the G5 Sahel, Niger and, most recently, Ivory Coast, the Malian transition has faced much internal turbulence in recent months. Inflation and the rise in the price of basic necessities, the tug of war with the signatory movements of the Peace Agreement, and the tensions with MINUSMA are evidence of a strategy that does not help to normalise relations with the countries of the sub-region and with the international community. The recent ban on NGOs receiving French funding, the muzzling of politicians and a certain instrumentalisation of the justice system are, among other things, signs of a tense climate that is not conducive to a calmer socio-political climate.

The latest statements by the signatory movements of the Peace and Reconciliation Agreement from Imam Dicko denouncing certain excesses of Cherif Madani Haidara or the "pro-junta" activist Ben le Cerveau, as well as the artist Rasbath, which range from classic warnings to strong criticisms and even threats, are clear signals of a poisonous socio-political climate. Similarly, the eventful return of Imam Dicko from Saudi Arabia just after his appointment as a permanent member of the World Islamic League and the Ulema Committee does not augur well for relations with the current authorities.

This study will first analyse the rather tense socio-political context coinciding with numerous upheavals in the North in a context of mutation of the jihadist movements and recomposition of forces.

It will then look at the way in which the ongoing competition between terrorist movements is stirring up new struggles for influence, making it even more difficult for the transitional authorities to secure the territory and resolve the Wagner equation.

Finally, the complex recomposition of forces in the North of Mali and the future of the Algiers Agreement will be discussed, the effective implementation of which, paradoxically, does not seem to be in the interest of any of the parties involved.

[1] See the letter from the CMA to the mediation leader on 12/10/2022 and the CSP-PSD communiqué of 12/20/2022 https://www.mandeinfos.com/2022/12/23/mali-les-mouvements-independantistes-du-nord-suspendent-leur-participation-a-la-mise-en-oeuvre-de-laccord-de-paix/

Download Full Report here

 

 

Dakar – L’Initiative de SM le Roi Mohammed VI d’accorder des aides médicales pour accompagner des pays africains dans leurs efforts de lutte contre la pandémie du Covid-19, revêt une importance particulière et constitue un geste symbolique dans un contexte particulier et inédit, a souligné le directeur du think tank africain “Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies”, Bakary Sambe.

“Le geste de SM le Roi du Maroc garde toute sa symbolique dans un contexte particulier et inédit où l’Afrique est frappée par une crise qui n’épargne pas ses partenaires internationaux”, a confié à la MAP, M. Sambe, également professeur à l’Université Gaston Berger de Saint-Louis, au Sénégal.

“Cette situation, dont l’enjeu a été bien intégrée dans le cadre de l’initiative portée par SM le Roi Mohammed VI, a permis de tester aussi bien les capacités que la réactivité du Maroc qui a pu se déployer non seulement sur sa situation interne mais aussi en aide à ses partenaires africains”, a-t-il dit.

Le geste du Maroc en direction des pays africains frères s’inscrit dans la continuité de l’initiative prise par SM le Roi Mohammed VI au mois d’avril, dès le début de la pandémie, “en mettant en avant l’impérieuse nécessité d’une coopération Sud-Sud”, a poursuivi M. Sambe, notant qu'”une telle dynamique est inscrite dans l’histoire commune et le destin africain partagé, bien avant les indépendances, dans le cadre du Groupe de Casablanca, ayant débouché sur le projet d’Union africaine”.

“Entérinant un leadership continental porté par une option africaine assumée dans la diplomatie marocaine, cette initiative montre, en outre, que des pôles d’émergence peuvent s’affirmer à partir du continent dans des situations de crise en tant que levier d’une résilience face à cette pandémie du Covid-19”, a-t-il ajouté.

Revenant sur la dimension de cette initiative royale et sur les moyens mobilisés pour sa mise en œuvre, le directeur du “Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies” a relevé que le déploiement de cette importante opération de solidarité couvrant 15 pays de manière presque instantanée, est “le signe d’un réel dynamisme africain basé sur la créativité et l’innovation endogènes. L’ensemble du matériel dont le Royaume a doté ses pairs africains étant conçu et fabriqué au Maroc même”.

Et M. Sambe de noter que cet élan de solidarité inter-africaine “débordant largement les partenaires traditionnels du Maroc” pour toucher d’autres pays sur le continent, “montre que l’option africaine de la diplomatie marocaine ne relève pas d’une approche purement théorique mais s’inscrit dans un certain pragmatisme orienté vers l’action”.

Une initiative qui intervient à un moment où les incertitudes qui planent sur les nouveaux rapports internationaux devraient inspirer une réelle redynamisation de la coopération Sud-Sud, a-t-il conclu.

SM le Roi Mohammed VI avait donné Ses Très Hautes Instructions pour l’acheminement d’aides médicales à plusieurs pays africains frères afin de les accompagner dans leurs efforts de lutte contre la pandémie du COVID-19.

Ces aides bénéficient à 15 pays africains, appartenant à toutes les sous-régions du continent, à savoir : le Burkina Faso, le Cameroun, les Comores, le Congo, Eswatini, la Guinée, la Guinée-Bissau, le Malawi, la Mauritanie, le Niger, la République Démocratique du Congo, le Sénégal, la Tanzanie, le Tchad et la Zambie.

Dr. Bakary Sambe.

The Timbuktu Institute-African Center for Peace Studies was set up in Dakar (Senegal) in 2016 as a research center that promotes trans-disciplinary approaches to issues related to religious radicalism.

That includes issues such as dealing with diseases and health crises, such as the coronavirus.

The institute recently joined with the Konrad Adenauer Foundation for Interreligious Dialogue in Africa and published a study called: "Responses of Religious Leaders to the COVID-19 Pandemic in the Sahel".

It was released on June 5.

And to find out more about it, La Croix Africa's Lucie Sarr spoke with the Timbuktu Institute's executive director, Dr. Bakary Sambe, who is also a professor-researcher at the Gaston Berger University of Saint-Louis in Senegal.

La Croix: How have the different religious denominations dealt with the COVID-19 pandemic in the Sahel?

Bakary Sambe: With the COVID-19 pandemic, the different faiths have invested in prevention.

Religious communities became well-aware that prevention was the only phase that...

states could win, in view of their shortcomings in terms of health.

In Burkina Faso, for example, a form of religious and interreligious synergy has been noted, in particular with the Federation of Islamic Associations of Burkina Faso, but also with the Catholic Church, which played a very important role.

In Senegal, religious health officials and other religious structures, such as the Cadre Unitaire de l'islam in Sénégal, have joined forces.

The Catholic Church, for its part, took firm decisions very early on by imposing the closure of its places of worship.

Similarly, the general khalife (a spiritual guide) of the Tijānī Order (an important brotherhood in Senegal) took measures to protect health and hygiene by closing the mosques in the holy city of Tivaouane as well as the other mosques that depend on this brotherhood.

He also decided to support the residents of the Quranic schools by ensuring their food, aided in this by religious figures such as Serigne Sheikh Tidiane Sy Al Amine and the think-tank Propec'Tiv near the Tijaniyya.

In the same vein, the general khalife of the Mouride brotherhood - another Senegalese brotherhood - has contributed 200 million CFA francs (more than €300,000) to the COVID-19 Resilience Fund set up by Senegalese Head of State, Macky Sall.

In the Goundam Circle in the Timbuktu region in Mali, religions have taken up the issue of prevention.

It can therefore be affirmed that religion has played a very important role in terms of prevention and awareness-raising, showing once again its inescapable role in Sahelian societies.

The clerics have contributed to resilience through the moral rearmament of loyal citizens in the States suffering from fragility and insufficient resources to cope effectively with such a pandemic.

Have religious leaders pushed for the reopening of places of worship?

It is striking to note how the States of the sub-region (in particular, Mali, Senegal and Niger) were able to be disarmed in the management of religious questions during this pandemic.

These religious issues have always been the subject of consensus or negotiations depending on the balance of power or socio-political stakes.

In reality, the particular context of the management of a pandemic only accentuated the contradictions that were already present in the complex interaction between political and religious actors.

Beyond the observation of the undiminished impact of the clerics and the practice of worship, one should note the social legitimacy of religious leaders who often seem to take the place of political leaders in some States.

As a result, we have witnessed a form of clash of legitimacies between these two types of players, which reveals that many other societal issues will be subject to this same competition, not to mention there being a fear of confrontation.

Some States have been pressured to open mosques, such as Senegal - although politicians deny it - and Niger, where, despite the ban, the faithful were in front of the mosques in close ranks, defying political authority.

In Mali, the State did not even dare to legislate on the matter, and put the ball back in the court of the Islamic High Council.

This kind of attitude leads to the phenomenon we see today, with religious actors imposing themselves as political actors [for example, Imam Mahmoud Dicko in Mali, editor's note].

They also benefit from the strategy of politicians who try to find, in the religious, the legitimacy they do not have in political life.

What can we learn from this crisis?

Despite the controversial debates raised in the note from the Centre d'analyse et prévision et de stratégie (CAPS) in Paris regarding the possible effects of COVID-19 in West Africa, we can see the relevance of the place it gives to religious leaders and their various roles, especially in times of crisis.

Our study has shown that our countries are suffering from insufficient investment and resources in the health sector after decades of strong privatization in the framework of structural adjustment policies.

In this context, the cleric plays the role of social integrator, which is accentuated in times of crisis.

Likewise, it can be noted that the solidarity system that worked during this pandemic and which brings to mind the collective dimension of religious sentiment still remains one of the reasons for the centrality of clerics in Sahelian societies.

This crisis was, in short, a test to see how our States could react in a health crisis situation.

It showed that they were not very well prepared with regard to the religious question because now there is a real paradox in the Sahelian sub-region: the States declare themselves to be secular, yet manage the religious leaders, which becomes a political and security issue.

Their management of the religious is in a trial and error form since they have always only partially dealt with religious questions in a contextual manner, whereas a real governance of the religious is increasingly necessary in view of the important stakes involved.

Source: https://international.la-croix.com/

(Agence Ecofin) - Timbuktu Institute, qui vient de rappeler temporairement ses équipes de terrain menant des enquêtes dans les zones frontalières, et d’instaurer le télétravail pour ses différents bureaux, s’inquiète « profondément » de l’évolution de la pandémie de COVID-19 et tire la sonnette d’alarme sur les conséquences du Coronavirus en termes d’instabilité pour l'Afrique et le Sahel, notamment. Son directeur s’est livré à Niamey et les 2 Jours dans cet entretien abordant les risques d’instabilité, les conséquences sur la résilience, mais aussi un appel à la communauté internationale et principalement l’Union européenne à ne pas « répéter les erreurs du passé », malgré « la grande préoccupation pour les urgences ».

Pour Bakary Sambe, Directeur de cet Institut qui effectue des études prospectives sur la paix et la stabilité en Afrique, « en plus de s’attendre au pire comme le suggère déjà à juste raison le Directeur général de l’Organisation mondiale de la santé, on devrait, aussi, prendre en compte dans l’approche qu’adopteront les scientifiques et les experts en santé publique deux dimensions qui sont des facteurs-clés de la fragilité au Sahel, à savoir les volets politique et social ».

Pour dire qu’il ne faudrait pas négliger les conséquences socioéconomiques qui vont « accentuer les risques réels d’instabilité dans la région sahélienne pendant et après cette épidémie ». Pour lui, « c’est bien en amont et dès maintenant qu’il faudra agir et réfléchir à des approches durables malgré la panique mondiale qu’a occasionnée cette pandémie ».

Sur la dimension sociale de la fragilité des systèmes politiques et économiques au Sahel, « les inquiétudes pointent déjà à l’horizon proche avec le bouleversement des modes de vie que l’épidémie de Coronavirus va provoquer pour des millions de Sahéliens vivant au jour le jour avec toujours l’incertitude du lendemain », avertit Dr Bakary Sambe.  

« Sans misérabilisme aucun, on n’ose même pas imaginer les dégâts collatéraux d’un impossible confinement d’une semaine pour des populations des pays du Sahel, habituées à vivre avec des économies à forte dominante informelleEn Europe, on se préoccupe des stocks et des provisions, ici c’est déjà, depuis des décennies, la gestion quotidienne des pénuries », s’alarme-t-il.

Bakary Sambe appelle la communauté internationale et surtout l’Europe voisine à « ne pas répéter les erreurs du passé, car, malgré les urgences sanitaires, il ne faudrait jamais perdre de vue la nécessité de mettre l’accent sur l’approche multidimensionnelle se rappelant qu’à l’issue de cette crise et quelle qu’en sera la durée, l’Europe ne pourra échapper aux effets des vulnérabilités de cette région qui lui est naturellement proche, rien que pour les questions relatives à la migration et au contre-terrorisme ».

« Les barricades d’aujourd’hui qu’imposent les épidémiologistesde même que les digues sanitaires vont tôt ou tard céder par la force des impératifs de la nécessaire coopération pour la sécurité collective et les vulnérabilités en partage referont jour avec encore plus d’acuité », prévient le Directeur de Timbuktu Institute.

Pour lui « Au moment où l’Union européenne, principal partenaire extérieur des pays du Sahel, se dit prête à agir pour s’éviter elle-même l’instabilité économique, il est d’autant plus nécessaire de prendre conscience de l’ampleur du désastre qui se profile dans la région sahélienne surtout que, même sans épidémie, les actions humanitaires qui y sont déjà mises en œuvre au niveau communautaire sont peu appuyées à travers d’autres actions exécutées par d’autres acteurs à d’autres échelons… »

Propos recueillis par Babacar Cissé

Il n’y a pas de doute que les solutions militaires n’ont pas porté leurs fruits dans la lutte contre le terrorisme au Sahel. La leçon afghane des Américains aurait dû amener la communauté internationale à se rendre à l’évidence : les kalachnikovs, seules, ne vaincront pas une idéologie ou ne régleront les problèmes structurels qui nourrissent la radicalisation des jeunes rejoignant Boko Haram ou encore l’État islamique au Grand Sahara (EIGS).

Après plus de 15 années passées en Afghanistan, les Américains n’ont pas pu défaire les talibans, qui ont même fait des émules. L’opération française Serval a vécu le temps d’une libération spectaculaire des griffes des djihadistes des villes du nord du Mali, alors occupées, avec le mérite d’avoir, tout de même, empêché que le verrou de Konna ne cède et, ainsi, barrer la route de Bamako en janvier 2013 à des assaillants déterminés. Mais l’opération Barkhane est, aujourd’hui, incapable d’en finir avec les terroristes au nord du Mali, de même que dans les confins du Niger sur l’axe de tous les risques entre les confluences libyennes et les incertitudes sahélo-sahariennes.

Les groupes terroristes prospèrent dans le Sahel, arrivent à coordonner des actions, même de moyenne ampleur. Au même moment, dans une grande dispersion, on note une multiplicité des acteurs internationaux jusqu’au sein de la « famille » européenne dans laquelle l’Allemagne cherche, dorénavant, à devenir un acteur de premier plan, complètement sortie de sa timidité sahélienne et ouest-africaine.

Le terrorisme étend ses tentacules

Le front terroriste s’élargit aussi bien au Mali, devenu l’épicentre, que dans le reste de la région. Le centre du Mali devient la zone de toutes les tensions qui ont pu déborder jusque dans le Soum et l’Oudalan au Burkina Faso voisin. Dans une telle configuration où nombre d’analystes perdent leurs repères, on réalise, a posteriori, que les attaques de Ouagadougou, en août 2017 et mars 2018, avaient signé la fin des exceptions en Afrique de l’Ouest. On se rend compte aussi que l’attentat de Grand Bassam (Côte d’Ivoire), en mars 2016, tel un avertissement, avait inauguré une nouvelle ère : celle de l’absurdité même de la prévision.

On ne peut plus nier que les solutions militaires sont un mal nécessaire pour endiguer la menace grandissante et soulager les pays sous haute pression sécuritaire. Mais, les expériences du passé, de même que les réalités quotidiennes des populations des zones frontalières, prouvent qu’elles ne sont ni vraiment efficaces encore moins durables.

En outre, elles inspirent et alimentent la propagande des groupes terroristes. Ces derniers sont conscients de la portée des manipulations de symboles sur les esprits surchauffés de populations en désarroi entre les mesures sécuritaires draconiennes qui tuent les économies locales et l’insécurité quotidienne au milieu d’impressionnants arsenaux militaires.

Et, malheureusement Abul Walid Al-Sahraoui, aujourd’hui tête pensante de l’État islamique au Grand Sahara, avait vu « juste » dès la fin de l’opération française Serval : finies stratégies globales et de coordination logistique complexe. Il avait théorisé la création et la multiplication des zones d’instabilité, l’instrumentalisation de l’ethnicité et des conflits intercommunautaires auxquels il fallait trouver de « simples » couvertures « islamiques ».

Selon lui, cela suffira pour, à coup sûr, à susciter l’intervention occidentale. Cette dernière demeure le meilleur argument de propagande du discours djihadiste qui sait si bien jouer de ses ratés et de ses éventuelles bavures nourrissant les pires frustrations nécessaires au recrutement de nouveaux combattants !

Le nouveau dilemme sahélien

La force conjointe du G5 Sahel aurait pu être une alternative à l’image d’un Sahel parsemé de bivouacs dont les couleurs renvoient au drapeau français ou de bases sur lesquelles flotte, discrètement, le drapeau américain. Mais son opérationnalisation bute sur le déficit de ressources malgré les nombreux engagements financiers, restés sans suite. La situation sécuritaire au Sahel appelle, nécessairement, à une reconsidération des paradigmes qui, jusqu’ici, ont guidé l’option strictement militaire qui a montré ses limites. D’ailleurs, l’Allemagne chercherait à faire son entrée en scène sur une corde raide qu’elle semblerait prendre par le bout du développement.

En plus d’une crise sahélienne qui s’aggrave, il y a aujourd’hui, un vrai conflit de perception du conflit avec un hiatus entre approches internationales globales et perceptions locales.

Il est temps de donner toute leur dignité de « solutions » aux possibilités et stratégies endogènes. L’enlisement sahélien qui se dessine pour l’option du « tout militaire » est doublé d’un dilemme. Ce nouveau dilemme sahélien réside ainsi dans la difficile position des États de la région et de leurs partenaires internationaux. Dans les solutions proposées pour lutter contre le terrorisme, on a presque perdu le sens des priorités. Nous en sommes arrivés à de profondes interrogations entre l’impératif de gestion des urgences sécuritaires et la nécessité d’un changement de paradigmes face à l’échec patent du « tout militaire ».

La stratégie des terroristes : intensifier les conflits intercommunautaires

Pendant que l’on s’interroge, les groupes terroristes redéfinissent leur stratégie en parasitant et en intensifiant les conflits intercommunautaires. Cette stratégie leur ouvre deux perspectives : la multiplication des zones d’instabilité dans la région et la pression sur la communauté internationale. Celle-ci en est réduite à des interventions militaires, elles-mêmes sources de radicalisation et alimentant la rhétorique djihadiste.

Les attaques similaires à celles de Yirgou Fulbé, dans la commune de Barsalogho, dans le centre-nord du Burkina Faso, tout début janvier 2019, vont, malheureusement, se multiplier et auront un impact certain dans les pays voisins après avoir replacé le centre du Mali au cœur de toutes les préoccupations. Le Burkina Faso est entré dans un cycle de violences attisées par des conflits intercommunautaires qui, au début, n’avaient rien de religieux mais plutôt une dimension silvo-agro-pastorale.

Pendant que les stratégies internationales non coordonnées se multiplient, les groupes terroristes arrivent à étendre leur champ d’action dans les pays de la région. Cet acharnement inédit sur le Burkina Faso vise à faire sauter le dernier verrou sahélien vers l’Afrique côtière.

Toutes les conditions sont aujourd’hui réunies pour faciliter l’installation de l’État islamique au Grand Sahara, surtout au Burkina Faso, région tampon entre l’Afrique côtière et le Sahel, notamment dans des zones comme Gorom Gorom et Markoye, dans la province de l’Oudalan.

Une nouvelle grille de lecture s’impose

Mais le plus étonnant est que, dans l’évocation des faits au Sahel, les analystes des pays occidentaux sont restés emmurés dans le paradigme djihadiste avec un vocabulaire encore fleuri de termes comme « groupes islamistes », « nébuleuse djihadiste », « radicalisation ».

Or depuis un bon moment, il y a eu une hybridation de la menace et un glissement significatif vers des conflits de type intercommunautaire. Même dans la rhétorique des groupes terroristes, la dimension religieuse fait de plus en plus place à l’exacerbation des tensions communautaires.

On est passé, sans conteste, de l’ère d’un djihadisme idéologique avec un discours se nourrissant du référentiel religieux à une situation où les populations locales elles-mêmes évoquent du « banditisme », de la « criminalité ».

Les populations locales ont certainement réalisé, avant les « spécialistes » et les chercheurs qui en font leur objet d’étude, que la région est, subrepticement, entrée dans une ère qui, à défaut d’une qualification pour l’heure établie, annonce le post-djihadisme. 

Sous le haut patronage de Sa Majesté le Roi Mohamed VI et en perspective du dixième sommet de la Francophonie, la ville sainte de Fès a abrité les 10, 11 et 12 septembre une prestigieuse conférence sur le dialogue des religions et des cultures.
Organisée par l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), en partenariat avec l’Organisation islamique pour l’éducation, la science et la culture (ISESCO) et l’Université Euro-méditerranéenne de Fès, la conférence a été ouverte par la lecture du message de Sa Majesté le Roi Mohamed VI saluant l’initiative et appelant toutes les forces vives du Maroc et des pays du monde à œuvrer pour un dialogue durable des cultures et des religions.
Représenté par Dr Seydi Diamil Niane, Timbuktu Institute a participé aux travaux de la conférence notamment à l’atelier consacré à la médiation et à la médiatisation dans la lutte contre les discours de haine.

La rencontre fut une précieuse occasion, pour Timbuktu Institute, de revenir sur les actions qu’il mène ces dernières années pour la promotion de la paix et la lutte contre tout discours de haine. En ce sens, Dr Seydi Diamil Niane est revenu, durant la rencontre, sur le Programme Educating for Peace, porté par Timbuktu Institute, en mettant l’accent sur la création de la Chaine Youtube dont le but était de promouvoir la paix et de faire face aux discours de haine.

Beaucoup de recommandations, qui seront présentées au prochain sommet de la Francophonie, sont ressorties de la conférence. Timbuktu Institute encourage l’État du Sénégal à se saisir de toutes les recommandations et d’appuyer toutes les initiatives locales et nationales qui luttent contre l’extrémisme religieux, la discrimination et les discours de haine, et ce, pour un dialogue durable des cultures et des religions.